1 00:00:05,630 --> 00:00:10,250 Section 2 : les conditions de l'action en justice. 2 00:00:10,820 --> 00:00:14,600 Nous avons étudié, dans la section précédente, les différentes actions 3 00:00:14,990 --> 00:00:18,470 par lesquelles un justiciable peut saisir le juge administratif. 4 00:00:18,980 --> 00:00:23,690 Il s'agit désormais de s'intéresser aux conditions dans lesquelles 5 00:00:23,890 --> 00:00:26,270 une telle action doit être mise en œuvre. 6 00:00:26,750 --> 00:00:31,130 Cette question classique de la recevabilité d'un recours peut 7 00:00:31,330 --> 00:00:33,380 être examinée de la manière suivante. 8 00:00:33,710 --> 00:00:37,640 Nous allons, dans un premier temps, nous intéresser aux conditions 9 00:00:38,150 --> 00:00:43,490 d'existence de l'action en justice, avant de revenir, dans un second temps, 10 00:00:43,820 --> 00:00:47,790 sur les conditions d'exercice de l'action en justice. 11 00:00:48,290 --> 00:00:53,240 Commençons, paragraphe 1, par les conditions d'existence 12 00:00:53,440 --> 00:00:54,830 de l'action en justice. 13 00:00:56,210 --> 00:00:59,840 En droit du procès administratif, les conditions d'existence d'une 14 00:01:00,040 --> 00:01:02,000 action en justice sont au nombre de deux. 15 00:01:02,750 --> 00:01:06,680 Pour rappel, le droit d'agir en justice est le droit d'obtenir 16 00:01:06,880 --> 00:01:11,480 du juge une décision sur le bien fondé de sa prétention. 17 00:01:11,680 --> 00:01:18,530 À quelles conditions considère-t-on qu'un demandeur dispose du droit 18 00:01:18,730 --> 00:01:19,910 d'agir en justice ? 19 00:01:20,510 --> 00:01:24,860 En réalité, on peut considérer qu'il est nécessaire que deux 20 00:01:25,400 --> 00:01:30,470 conditions soient réunies pour qu'un requérant bénéficie du droit 21 00:01:30,670 --> 00:01:31,940 d'agir en justice. 22 00:01:32,660 --> 00:01:38,180 D'une part, une action en justice suppose l'existence d'une prétention. 23 00:01:38,990 --> 00:01:42,740 En droit du procès administratif, cela se matérialise par l'exigence 24 00:01:42,940 --> 00:01:44,690 d'une décision préalable. 25 00:01:45,590 --> 00:01:51,290 D'autre part, seule une personne qui retirera un profit de la 26 00:01:51,490 --> 00:01:55,790 formulation de cette prétention sera considérée comme titulaire 27 00:01:55,990 --> 00:01:57,080 d'une action en justice. 28 00:01:57,650 --> 00:02:02,810 Cela correspond à l'exigence d'un intérêt à agir. 29 00:02:03,530 --> 00:02:07,970 En d'autres termes, le juge s'assure en premier lieu de l'existence 30 00:02:08,170 --> 00:02:11,990 d'une prétention et, en second lieu, de la légitimité 31 00:02:12,290 --> 00:02:14,870 de l'auteur de la prétention à la formuler. 32 00:02:15,530 --> 00:02:19,820 Dès lors, il convient d'examiner la règle de la décision préalable, 33 00:02:20,120 --> 00:02:23,120 première condition d'existence d'une action en justice, 34 00:02:23,420 --> 00:02:28,160 puis celle de l'intérêt à agir, seconde condition d'existence d'une 35 00:02:28,360 --> 00:02:29,510 action en justice. 36 00:02:30,410 --> 00:02:37,610 A : s'assurer de l'existence d'une prétention, la décision préalable. 37 00:02:38,870 --> 00:02:42,200 Le principe est posé par l'article R. 38 00:02:42,400 --> 00:02:44,720 421-1 du Code. 39 00:02:45,260 --> 00:02:49,880 Le principe est que tout recours formé devant le juge administratif 40 00:02:50,240 --> 00:02:53,210 est un recours formé contre une décision. 41 00:02:53,840 --> 00:02:58,610 La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formée 42 00:02:58,810 --> 00:02:59,980 contre une décision. 43 00:03:01,220 --> 00:03:05,520 À l'inverse de la procédure suivie devant les tribunaux judiciaires, 44 00:03:05,870 --> 00:03:10,700 l'administré ne peut pas saisir directement le juge administratif 45 00:03:10,900 --> 00:03:11,840 d'un recours. 46 00:03:12,350 --> 00:03:15,010 La règle posée par l'article R. 47 00:03:15,210 --> 00:03:21,080 421-1 soumet la recevabilité d'une action en justice à l'existence 48 00:03:21,280 --> 00:03:26,450 d'une décision préalable de l'administration, décision préalable 49 00:03:26,650 --> 00:03:31,280 de l'administration contraire à la prétention de l'intéressé. 50 00:03:32,630 --> 00:03:38,840 En présence d'une décision spontanée de l'administration, la règle est 51 00:03:39,170 --> 00:03:40,610 aisément remplie. 52 00:03:41,360 --> 00:03:46,250 Tel est par exemple le cas si vous souhaitez contester un décret du 53 00:03:46,450 --> 00:03:49,700 Premier ministre portant nomination d'un haut fonctionnaire, 54 00:03:50,060 --> 00:03:54,680 ou si vous souhaitez contester un arrêté municipal réglementant 55 00:03:54,880 --> 00:03:59,240 l'accès aux plages et à la baignade, ou encore un arrêté préfectoral 56 00:03:59,480 --> 00:04:02,810 de fermeture administrative d'un établissement. 57 00:04:03,230 --> 00:04:08,480 Dans ce cas, la règle de recevabilité est aisément respectée puisque 58 00:04:08,690 --> 00:04:12,500 vous contestez une décision spontanée de l'administration, 59 00:04:12,700 --> 00:04:13,970 qui existe déjà. 60 00:04:14,750 --> 00:04:21,080 En revanche, en l'absence de décision spontanée, l'administré devra adresser 61 00:04:21,280 --> 00:04:26,000 à l'administration une demande en ce sens, puisque seul le rejet 62 00:04:26,330 --> 00:04:31,550 de cette demande, seul le rejet de cette prétention, par une décision 63 00:04:31,750 --> 00:04:36,470 explicite ou implicite, est susceptible de faire l'objet 64 00:04:36,670 --> 00:04:37,640 d'un recours. 65 00:04:38,840 --> 00:04:42,860 Tel est le cas, par exemple, lorsque l'intéressé souhaite obtenir 66 00:04:43,060 --> 00:04:47,360 une autorisation, comme un permis de construire, ou lorsqu'il souhaite 67 00:04:47,560 --> 00:04:52,580 obtenir la modification ou la disparition d'une décision 68 00:04:52,780 --> 00:04:57,140 administrative, ou lorsqu'il souhaite obtenir la réparation d'un dommage. 69 00:04:57,680 --> 00:05:02,320 Dans chacun de ces cas, le juge ne peut être saisi qu'après 70 00:05:02,740 --> 00:05:07,450 l'apparition d'une décision administrative, décision administrative 71 00:05:07,650 --> 00:05:11,620 de rejet de la demande, que ce soit la demande de permis 72 00:05:11,820 --> 00:05:17,320 de construire, ou encore la demande d'indemnité, ou plus subtilement, 73 00:05:17,710 --> 00:05:22,480 une décision refusant de faire droit à une demande d'indemnité 74 00:05:22,680 --> 00:05:25,840 à hauteur des sommes demandées. 75 00:05:28,390 --> 00:05:34,150 Si l'intéressé présente un recours au juge à titre initial, 76 00:05:34,350 --> 00:05:39,460 c'est-à-dire sans disposer d'une décision préalable de l'administration, 77 00:05:39,820 --> 00:05:43,120 ce recours sera rejeté comme irrecevable. 78 00:05:43,320 --> 00:05:48,010 Donc, on ne peut pas saisir directement le juge administratif d'un 79 00:05:48,210 --> 00:05:52,540 comportement, d'une action, d'une carence ou d'une abstention. 80 00:05:52,840 --> 00:05:57,250 Il peut uniquement être saisi d'une décision administrative. 81 00:05:57,670 --> 00:06:00,970 En d'autres termes, s'il n'y a pas décision spontanée de 82 00:06:01,170 --> 00:06:05,170 l'administration, il est important de provoquer une décision 83 00:06:05,370 --> 00:06:10,660 administrative préalable pour lier le contentieux devant le juge. 84 00:06:11,320 --> 00:06:13,420 Pourquoi cette règle ? 85 00:06:14,740 --> 00:06:19,510 Une raison historique et une raison pratique semblent la justifier. 86 00:06:20,080 --> 00:06:22,390 Une raison historique, tout d'abord. 87 00:06:22,590 --> 00:06:27,970 La règle de la décision préalable est une survivance, survivance 88 00:06:28,170 --> 00:06:30,790 historique de l'ancienne doctrine du ministre-juge. 89 00:06:30,990 --> 00:06:36,430 Souvenez-vous, tout au long du 19e siècle, les ministres étaient 90 00:06:36,630 --> 00:06:41,590 les juges de droit commun en premier ressort en contentieux administratif. 91 00:06:41,790 --> 00:06:47,860 Donc, le Conseil d'État ne connaissait en appel que des décisions des 92 00:06:48,060 --> 00:06:52,930 ministres, décisions des ministres rendues sur les recours des 93 00:06:53,130 --> 00:06:53,890 administrés. 94 00:06:54,310 --> 00:06:58,120 Vous vous souvenez également que cette théorie du ministre-juge 95 00:06:58,600 --> 00:07:03,310 a été abandonnée, abandonnée par la jurisprudence cadeau du Conseil 96 00:07:03,510 --> 00:07:06,380 d'État du 13 décembre 1889. 97 00:07:07,240 --> 00:07:11,470 Le Conseil d'État est alors devenu juge de droit commun en premier 98 00:07:11,670 --> 00:07:12,430 ressort. 99 00:07:12,640 --> 00:07:17,290 Pour autant, le Conseil d'État a estimé souhaitable de continuer 100 00:07:17,620 --> 00:07:22,240 à exiger des requérants que ceux-ci attaquent une décision émanant 101 00:07:22,660 --> 00:07:26,980 de l'administration, plutôt que de le saisir directement, 102 00:07:27,880 --> 00:07:33,460 comme cela ressort de l'article 3 de la loi du 17 juillet 1900. 103 00:07:34,720 --> 00:07:39,010 La seconde raison qui justifie la règle de la décision préalable 104 00:07:39,340 --> 00:07:41,440 est davantage pragmatique. 105 00:07:43,300 --> 00:07:47,680 Cette règle est l'assurance, en quelque sorte, d'une prise de 106 00:07:47,880 --> 00:07:49,870 position de l'administration. 107 00:07:50,320 --> 00:07:55,450 Elle est donc susceptible de jouer le rôle d'une sorte de préliminaire 108 00:07:55,650 --> 00:08:00,250 de consignation, ce qui épargne à l'administré la peine de porter 109 00:08:00,450 --> 00:08:06,100 sa prétention devant le juge si l'administration lui donne directement 110 00:08:06,310 --> 00:08:07,070 raison. 111 00:08:07,270 --> 00:08:12,610 Souvenez-vous, cette prise de position de l'administration pourra prendre 112 00:08:12,810 --> 00:08:16,960 plusieurs formes, puisqu'une décision administrative peut être expresse, 113 00:08:17,260 --> 00:08:19,090 mais également implicite. 114 00:08:19,540 --> 00:08:23,740 En effet, le silence gardé par l'administration durant un certain 115 00:08:23,940 --> 00:08:28,780 délai fait naître une décision implicite, une décision tacite. 116 00:08:29,410 --> 00:08:33,280 Ce procédé est bien évidemment une fiction juridique, 117 00:08:33,480 --> 00:08:37,660 puisque l'administration ne se sera pas prononcée en réalité. 118 00:08:38,320 --> 00:08:42,940 Mais la loi attache un effet au silence de l'administration, 119 00:08:43,240 --> 00:08:48,490 afin de lier le contentieux lorsque le requérant ne dispose pas de 120 00:08:48,690 --> 00:08:52,390 prise de position expresse de l'administration. 121 00:08:52,870 --> 00:08:56,830 Parce qu'il serait, au fond, anormal qu'en ne répondant pas 122 00:08:57,030 --> 00:09:01,270 à la demande de l'administré, l'administration le prive de toute 123 00:09:01,470 --> 00:09:04,240 possibilité d'agir en justice. 124 00:09:05,350 --> 00:09:08,230 Vous le savez également depuis votre deuxième année de droit : 125 00:09:08,800 --> 00:09:13,060 en principe, le silence gardé par l'administration pendant deux mois 126 00:09:13,390 --> 00:09:18,100 vaut acceptation de la demande, selon l'article L. 127 00:09:18,300 --> 00:09:21,250 231-1 du CRPA. 128 00:09:21,450 --> 00:09:26,830 Cependant, parmi les très nombreuses exceptions à ce principe, 129 00:09:27,160 --> 00:09:32,320 l'article L.231-4 du CRPA mentionne 130 00:09:32,520 --> 00:09:37,600 le cas dans lequel la demande adressée à l'administration présente le 131 00:09:37,800 --> 00:09:42,940 caractère d'une réclamation et celui dans lequel une telle demande 132 00:09:43,140 --> 00:09:45,430 présente un caractère financier. 133 00:09:46,540 --> 00:09:50,980 Autrement dit, les demandes préalables formées devant l'administration, 134 00:09:51,180 --> 00:09:55,750 en vue de faire naître une décision dans un contentieux indemnitaire 135 00:09:55,950 --> 00:10:01,110 ou pécuniaire, donnent en principe lieu à des décisions implicites 136 00:10:01,310 --> 00:10:02,340 de rejet. 137 00:10:03,030 --> 00:10:08,160 De surcroît, en l'absence de texte déterminant les effets du silence 138 00:10:08,360 --> 00:10:12,780 gardé sur une demande, la règle générale de procédure 139 00:10:12,980 --> 00:10:17,040 dégagée par le Conseil d'État est que le silence de l'administration 140 00:10:17,240 --> 00:10:22,380 pendant plus de deux mois sur une demande vaut décision de rejet 141 00:10:22,680 --> 00:10:29,140 susceptible de recours, selon un avis du 23 octobre 2017, 142 00:10:29,340 --> 00:10:30,610 Monsieur Diemert. 143 00:10:31,980 --> 00:10:36,150 Quel est le champ de la règle de la décision préalable ? 144 00:10:36,350 --> 00:10:38,550 Certes, l'article R. 145 00:10:38,750 --> 00:10:44,280 421-1 du CJA confère, à cette règle, la plus large portée. 146 00:10:44,480 --> 00:10:49,320 Cependant, il existe au moins deux raisons de nuancer la portée de 147 00:10:49,520 --> 00:10:50,400 cette règle. 148 00:10:51,330 --> 00:10:55,470 La première raison est que, par exception, plusieurs recours 149 00:10:55,710 --> 00:10:59,700 sont dispensés du respect de la règle de la décision préalable, 150 00:10:59,910 --> 00:11:03,180 parce que ces recours ne sont pas dirigés contre une décision 151 00:11:03,380 --> 00:11:04,140 administrative. 152 00:11:04,680 --> 00:11:08,730 Tel est le cas des recours de plein contentieux formés contre un contrat 153 00:11:09,150 --> 00:11:12,530 ou contre les mesures prises en exécution du contrat, 154 00:11:13,020 --> 00:11:13,780 article R. 155 00:11:13,980 --> 00:11:15,870 421-1 alinéa 3. 156 00:11:16,530 --> 00:11:20,730 Tel est également le cas des recours formés par une personne publique 157 00:11:20,930 --> 00:11:24,870 à l'encontre d'un administré, comme un recours tendant à la 158 00:11:25,070 --> 00:11:27,810 libération du domaine public. 159 00:11:28,290 --> 00:11:33,600 Tel est encore le cas d'un recours en interprétation, à titre principal 160 00:11:33,800 --> 00:11:38,580 ou à titre incident, puisqu'on peut former un recours 161 00:11:38,780 --> 00:11:43,420 en interprétation pour obtenir la qualification d'un fait ou d'un 162 00:11:43,620 --> 00:11:46,680 bien, ce qui ne concerne pas un acte. 163 00:11:47,250 --> 00:11:51,960 Tel est enfin le cas de l'action en reconnaissance de droit et de 164 00:11:52,160 --> 00:11:53,070 certains référés. 165 00:11:54,450 --> 00:12:00,450 La seconde raison qui permet de nuancer la portée de la règle de 166 00:12:00,650 --> 00:12:05,010 la décision préalable, est que même lorsqu'un recours 167 00:12:05,210 --> 00:12:09,600 n'est pas dispensé du respect de cette règle, il peut être recevable 168 00:12:10,020 --> 00:12:15,450 malgré l'absence de décision préalable au moment de la saisine du juge. 169 00:12:16,200 --> 00:12:21,450 En effet, le juge administratif accepte de se livrer à une 170 00:12:21,650 --> 00:12:28,290 régularisation d'une requête a priori recevable, a priori irrecevable, 171 00:12:28,650 --> 00:12:33,720 en raison de l'absence de décision préalable au moment de la saisine 172 00:12:33,920 --> 00:12:34,680 du juge. 173 00:12:34,880 --> 00:12:38,460 Donc, même lorsqu'il n'y a pas de décision préalable au moment 174 00:12:38,660 --> 00:12:42,900 de la saisine du juge, ce juge accepte de se livrer à 175 00:12:43,100 --> 00:12:47,400 une régularisation de la requête a priori irrecevable. 176 00:12:48,030 --> 00:12:52,380 À tel point que l'on peut considérer que la décision ne doit pas être 177 00:12:52,580 --> 00:12:57,630 préalable à la saisine du juge, mais préalable au jugement. 178 00:12:58,650 --> 00:13:03,870 Sur ce point, il convient de distinguer deux hypothèses principales. 179 00:13:04,350 --> 00:13:08,130 La première hypothèse est la suivante. 180 00:13:08,730 --> 00:13:14,400 Lorsque le litige ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, 181 00:13:14,730 --> 00:13:19,920 il existe deux manières de régulariser une requête lorsque le requérant 182 00:13:20,120 --> 00:13:24,510 saisissant le juge, sans avoir suscité une décision préalable. 183 00:13:26,040 --> 00:13:31,470 D'une part, le fait pour l'administration de défendre uniquement 184 00:13:31,670 --> 00:13:36,000 au fond, c'est-à-dire de contester les prétentions du demandeur sans 185 00:13:36,200 --> 00:13:39,780 opposer à titre principal l'irrecevabilité de la requête, 186 00:13:40,260 --> 00:13:42,930 a pour effet de lier le contentieux. 187 00:13:43,830 --> 00:13:49,170 En effet, le juge considère qu'en combattant les prétentions du requérant 188 00:13:49,370 --> 00:13:54,180 au fond, l'administration indique qu'elle rejette sa demande, 189 00:13:54,380 --> 00:13:57,870 ce qui fait naître une décision de refus, conformément à la 190 00:13:58,070 --> 00:14:01,440 jurisprudence du 23 avril 1965, Ducroux. 191 00:14:02,370 --> 00:14:06,990 D'autre part, même si l'administration soulève une fin de non-recevoir, 192 00:14:07,190 --> 00:14:11,340 c'est-à-dire même si elle oppose à titre principal l'irrecevabilité 193 00:14:11,540 --> 00:14:17,220 de la requête pour défaut de décision préalable, cette fin de non-recevoir 194 00:14:17,490 --> 00:14:22,470 peut être neutralisée par l'intervention en cour d'instance, 195 00:14:22,920 --> 00:14:27,840 avant que le juge ne statue, d'une décision explicite ou implicite 196 00:14:28,040 --> 00:14:34,020 de refus, que celle-ci résulte d'une demande préalable formée 197 00:14:34,220 --> 00:14:36,690 avant ou après la saisine du juge. 198 00:14:37,410 --> 00:14:41,670 En d'autres termes, si l'on forme une demande devant l'administration, 199 00:14:42,000 --> 00:14:46,290 et que l'on n'attend pas la réponse de l'administration pour saisir le juge, 200 00:14:46,800 --> 00:14:51,570 mais que l'administration prend une décision expresse ou tacite 201 00:14:51,810 --> 00:14:55,590 sur la demande formée devant elle avant que le juge le statue, 202 00:14:56,160 --> 00:15:00,550 l'intervention de cette décision régularisera la requête, 203 00:15:00,750 --> 00:15:05,560 conformément à la jurisprudence du 11 avril 2008, Établissement 204 00:15:05,760 --> 00:15:06,520 français du sang. 205 00:15:07,330 --> 00:15:10,930 La seconde hypothèse, qui doit ici être précisée, 206 00:15:11,320 --> 00:15:15,880 est lorsque le litige porte sur le paiement d'une somme d'argent. 207 00:15:16,690 --> 00:15:20,350 En principe, lorsque le litige porte sur le paiement d'une somme 208 00:15:20,550 --> 00:15:25,030 d'argent, il n'y a pas de régularisation possible, 209 00:15:25,510 --> 00:15:29,650 conformément au nouvel alinéa 2 de l'article R.421-1. 210 00:15:29,850 --> 00:15:35,920 Néanmoins, le Conseil d'État estime 211 00:15:36,120 --> 00:15:40,600 qu'une requête introduite sans décision préalable peut être 212 00:15:40,800 --> 00:15:46,030 régularisée par la survenance en cours d'instance d'une décision 213 00:15:46,300 --> 00:15:48,130 liant le contentieux. 214 00:15:48,850 --> 00:15:53,680 En d'autres termes, le Conseil d'État, dans un avis Consorts Rollet du 215 00:15:53,880 --> 00:16:00,610 27 mars 2019, reprend la solution de la jurisprudence Établissement 216 00:16:00,810 --> 00:16:06,370 français du sang lorsque le litige porte sur le paiement d'une somme 217 00:16:06,570 --> 00:16:07,330 d'argent. 218 00:16:07,530 --> 00:16:12,070 En d'autres termes, seule l'hypothèse prévue par la jurisprudence Ducroux 219 00:16:12,730 --> 00:16:17,740 est désormais écartée dans le cadre d'un litige portant sur le paiement 220 00:16:17,940 --> 00:16:18,910 d'une somme d'argent. 221 00:16:19,110 --> 00:16:24,190 Donc, si vous formez une demande devant l'administration qui porte 222 00:16:24,390 --> 00:16:27,880 sur le paiement d'une somme d'argent, et que vous n'attendez pas la réponse 223 00:16:28,080 --> 00:16:31,870 de l'administration pour saisir le juge, mais que l'administration prend 224 00:16:32,140 --> 00:16:36,460 une décision expresse ou implicite sur la demande formée devant elle 225 00:16:36,820 --> 00:16:41,230 avant que le juge ne statue, l'intervention de cette décision 226 00:16:41,430 --> 00:16:43,690 régularisera la requête. 227 00:16:44,200 --> 00:16:48,100 Pour reprendre les termes de l'avis Consorts Rollet : la condition 228 00:16:48,300 --> 00:16:54,040 de recevabilité de la requête tient à l'existence d'une décision 229 00:16:54,240 --> 00:16:58,750 administrative préalable, qui s'apprécie non pas à la date 230 00:16:58,950 --> 00:17:03,370 de l'introduction de la requête, mais à la date à laquelle le juge 231 00:17:03,570 --> 00:17:04,330 statue. 232 00:17:04,530 --> 00:17:08,310 C'est pourquoi l'intervention d'une décision administrative en cours 233 00:17:08,510 --> 00:17:11,710 d'instance régularise la requête. 234 00:17:11,910 --> 00:17:12,670 Pourquoi ? 235 00:17:12,870 --> 00:17:16,360 Parce que la décision préalable doit être préalable non pas à la 236 00:17:16,560 --> 00:17:19,120 saisine du juge, mais au jugement. 237 00:17:20,140 --> 00:17:24,490 Au fond, tout l'intérêt de la règle de la décision préalable est de 238 00:17:24,690 --> 00:17:29,350 permettre d'établir la réalité du litige et d'éviter au juge de 239 00:17:29,550 --> 00:17:31,540 statuer sur des affaires oiseuses. 240 00:17:32,530 --> 00:17:35,500 La conséquence fondamentale du respect de la règle de la décision 241 00:17:35,700 --> 00:17:39,580 préalable est la liaison du contentieux, c'est-à-dire la 242 00:17:39,780 --> 00:17:43,660 délimitation du litige porté devant le juge. 243 00:17:44,320 --> 00:17:48,430 Cette exigence, d'une décision préalable, permet principalement 244 00:17:48,820 --> 00:17:52,990 de vérifier que l'auteur d'une demande formule une prétention 245 00:17:53,470 --> 00:17:57,550 dans le cadre d'un litige, puisque l'existence d'un litige 246 00:17:57,750 --> 00:18:01,720 est une condition sine qua non de l'existence de tout procès. 247 00:18:02,200 --> 00:18:06,220 Quel que soit le procès, il y a un litige antérieur à la 248 00:18:06,420 --> 00:18:08,200 saisine du juge. 249 00:18:08,710 --> 00:18:13,060 Soumettre la formulation d'un recours devant le juge administratif à 250 00:18:13,260 --> 00:18:17,080 l'existence d'une décision préalable de l'administration permet de 251 00:18:17,280 --> 00:18:21,040 formaliser, de matérialiser le litige. 252 00:18:21,460 --> 00:18:26,230 Cela permet donc de vérifier l'existence d'un litige entre 253 00:18:26,430 --> 00:18:30,760 l'administré et l'administration, puisqu'il n'y a pas de droit d'agir 254 00:18:30,960 --> 00:18:33,530 en justice sans litige sur un droit. 255 00:18:34,150 --> 00:18:38,950 La décision préalable matérialise ainsi l'opposition de prétentions 256 00:18:39,150 --> 00:18:46,270 entre l'administré et l'administration, ce qui permet par ricochet d'identifier 257 00:18:46,470 --> 00:18:47,560 le litige.